Sur LinkedIn, j’ai découvert l’article extrêmement intéressant de Louis Derrac dans les Cahiers pédagogiques de Novembre 2022 « Qu’attend-on de l’éducation au numérique à l’école ?« . Louis Derrac y fait la distinction entre apprendre à utiliser les objets numériques à l’école et s’acculturer à la pratique numérique pour en comprendre les enjeux et porter un regard critique dessus. Il est rassurant de voir que d’autres portent cette parole sur un sujet qui me tient tant à cœur, que c’est un sujet que nous pouvons porter à plusieurs. C’est pourquoi je lui ai répondu en ces termes :

« Merci Louis Derrac toujours pour tes analyses et merci de prendre le temps de nous les partager !

Mille fois oui nous devons développer les pratiques numériques et non leurs usages. Tu sais à quel point je dénonce le choix du gouvernement dans les appels à projets liés au secteur de « l’inclusion numérique » de poser comme seule ambition de permettre à chacun d’être de meilleurs « usagers des services publics et privés numériques ».

Faire de nous tous des usagers de services produits par d’autres et nous exclure de la capacité d’y contribuer, de les décider collectivement, de débattre des solutions proposées (y compris dans le cadre de la dématérialisation des services publics) est inacceptable.

Être inclus numériquement devrait bien entendu commencer à l’école ! Et d’abord par un corps enseignant en maîtrise parfaite de la « chose numérique » pour la mettre en œuvre avec esprit critique et la transmettre chaque jour et dans chaque discipline.

  • Comment imaginer par exemple que les questions d’identités numériques (qui je suis sur Internet, comment je me crée une identité, que veut dire porter un récit avec un autre énonciateur que soi-même sous couvert d’anonymat très relatif, etc.) ne soit pas au cœur des programmes de français, y compris pour apprendre à y maîtriser les nouvelles formes d’expression que le numérique permet ?
  • A quel moment les enseignants d’histoire-géo systématiseront l’usage de logiciels de cartographie et la recherche, sélection et utilisation de flux open-data pour demander à nos enfants de produire par eux-mêmes des cartes historiques ou géographiques ?
  • A quel moment l’école apprendra à nos jeunes à lire, interpréter et créer eux-mêmes des infographies et des data visualisations alors qu’ils rentrent dans un monde où elles sont utilisées à tout bout de champs pour justifier tout et n’importe quoi ? Certes un peu en histoire géo mais tellement loin de ce qu’il faudrait.

Comment sécurise-t-on que tout jeune sortant de l’école soit armé méthodologiquement pour savoir qu’il n’existe pas UN numérique mais DES numériques : que certains sont nocifs et d’autres désirables, que certains sont enfermants et d’autres nous ouvrent au monde, que certains protègent la population et d’autres l’aliènent ? Que TOUS relèvent de choix politiques !

Que non, non et non, il n’existe pas un seul numérique inéluctable ! Pour exemple (parmi mille) un numérique des traces faibles contre la collecte de traces fortes est technologiquement complètement possible. Encore faudrait-il que chaque citoyen le sache, soit capable d’en débattre, soit armé de convictions personnelles et politiques autour des enjeux numériques. L’école est la clé d’une telle montée en puissance de tous ! LES écoles même : y compris celles où sont formés les décideurs politiques ou encore les futurs enseignants. Elles sont clés pour revoir la place du numérique dans l’éducation !« 

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